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COMMENT améliorer le bien-être du personnel hospitalier - 3ème stratégie 

Dans nos 2 articles précédents (voir liens ci-dessous), nous avons identifié quelques causes de stress chez le personnel des établissements de santé. Nous avons énuméré quelques stratégies qui visent à réduire ou à complètement éliminer la présence d'éléments stressants dans leur environnement de travail afin d'atténuer les tensions émotionnelles. Parmi celles-ci, il y a:


Et à présent, nous nous retrouvons au milieu d'une pandémie qui met quiconque d'entre nous qui suit l'actualité face à face avec ce que le mot stress peut signifier pour les travailleurs de la santé. Nous avons lu de nombreux articles de personnel hospitalier (tant des aides soignants de première ligne que du personnel logistique et administratif) appelant à l'aide. Les sources de détresse sont nombreuses, telles que l'incapacité à traiter les patients en raison du manque d'équipement, des médecins dont les spécialités ne les ont jamais formés à faire face à la mort de leurs patients et l'isolement physique des membres de la famille. Mais la peur de la contamination est probablement la plus criante.

Une augmentation significative des taux de dépression, d'anxiété et d'insomnie chez les aides soignants semble inévitable après l'épidémie de Covid-19.

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En effet, en Chine, où l'épidémie a commencé, des chercheurs, dirigés par Jianbo Lai, MSc, de la Zhejiang University School of Medicine, Hangzhou, Chine, ont publié les résultats d'une enquête auprès de plus de 1200 professionnels de la santé dans ce pays. L'enquête a été menée sur une période d'une semaine seulement et n'a pas pris en compte les conditions psychologiques antérieures des enquêtés, mais les résultats sont néanmoins frappants: environ 50% a déclaré souffrir au minimum d'une dépression légère; 14% des médecins et près de 16% des infirmières a reconnu avoir des symptômes dépressifs modérés ou sévères et environ 34% a signalé souffrir d'insomnie (retrouvez le rapport complet sur Jama Network Open). Tel qu'énoncé dans leur conclusion:

"La psychologie avec laquelle les aides soignants vont répondre à une épidémie de maladie infectieuse est complexe. Les sources de stress sont nombreuses, telles un sentiment de vulnérabilité ou de perte de contrôle, des préoccupations concernant sa propre santé, la propagation du virus, la santé de la famille et d'autrui, des changements au niveau du travail ou l'isolement."

D'où la nécessité d'une autre stratégie "passive" pour améliorer le bien-être du personnel de santé: fournir un environnement sûr. Certes, nous traversons des temps exceptionnels, et cet article ne vise pas seulement à répondre à la crise pandémique, car, clairement, les établissements de santé doivent être prêts à affronter tous types de situations sanitaires.

 

En toutes circonstances, il est primordial de conforter en permanence le personnel des cliniques ou hôpitaux en créant des environnements répondants à leur besoin de sécurité. 

Le concept de sécurité compte de nombreuses facettes, telles que la protection contre les actes d'agression (généralement de la part des patients) ou la réduction du risque de chutes ou de blessures. Dans cet article, nous nous concentrerons cependant sur l'une des principales causes d'anxiété pour le personnel soignant: le contrôle et la prévention des infections ainsi que les effets psychologiques des mesures prises. La perception de la propreté du personnel n'est en effet pas à sous-estimer si l'on veut aborder le bien-être psychologique.

1. Prévention et contrôle des inFEctions

Comme nous l'avons vu ci-dessus, l'un des principaux risques qu'encoure un travailleur de la santé lorsqu'il travaille dans un hôpital ou une clinique est de contracter lui-même des maladies contagieuses. Les hôpitaux connaissent bien ce sujet complexe qui est la source continue de nombreuses études. C'est pourquoi les agents de prévention des infections font désormais partie courante du personnel.

La prévention et le contrôle des infections ne peut se faire que si un niveau d'hygiène peut y être maintenu facilement, efficacement et durablement.

Les agents pathogènes peuvent être transmis par différentes voies. Certains sont en suspension dans l'air, certains dans l'eau et beaucoup se posent sur des surfaces fréquemment touchées. Le lavage des mains et le nettoyage des surfaces sont donc essentiels pour éviter la transmission. Tout comme le niveau d'hygrométrie des surfaces, car les microbes meurent au fur et à mesure que la surface sèche.

Pour atteindre ces objectifs, il est essentiel que, dès le début du processus de conception d'un bâtiment de soins de santé (nouvelle construction ou rénovation), les architectes, les concepteurs et les ingénieurs en techniques spéciales travaillent en étroite collaboration avec les responsables prévention des infections ainsi que les directeurs techniques de ces établissements. Travailler avec des experts compétents en la matière est le meilleur moyen de créer des environnements qui facilitent la PCI (prévention et contrôle des infections). L'équipe de conception intégrée ainsi constituée devra au minimum aborder les stratégies reprises ci-dessous.

a. Hygiène des mains

L'hygiène des mains est la mesure de prévention des infections numéro un et ne peut être menée que si suffisamment de lavabos et de distributeurs de gel hydroalcoolique sont installés. Par principe il faut permettre un assainissement ou un lavage des mains immédiatement avant et après avoir touché un patient ou son environnement immédiat, avant d'effectuer des tâches aseptiques, après une exposition connue ou suspectée à des germes et après un contact avec du sang ou des liquides organiques.

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L'installation d'un lavabo à l'entrée de chaque chambre de patient est un moyen pratique de favoriser le lavage des mains avant et après une visite du patient.

b. Sélection & pose des matériaux

Pour faciliter l'élimination des agents pathogènes des surfaces lors du nettoyage, il faut faire attention au choix des finitions et à la manière dont elles sont posées ou jointes. Lors de la sélection des matériaux, nous devons d'abord comprendre à quelle catégorie appartient la pièce (allant des zones les plus critiques aux zones les moins critiques), puis comprendre comment la surface en question sera nettoyée (manuellement ou mécaniquement et avec quel type de désinfectant). Il est clair que le matériau choisi doit faciliter le processus de nettoyage et en même temps être en mesure de conserver toutes ses propriétés dans le temps. Certaines études ont mis en lumière les matériaux couramment utilisés et les types d'agents pathogènes qui y adhérent. Bien que de nombreuses études ne soient toujours pas concluantes, en particulier pour les finitions textiles sur lesquelles les mesures sont plus difficiles, nous pouvons déjà tirer quelques conclusions.

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Premièrement, les micro-organismes ont tendance à se nicher dans des micro-topographies de la surface du matériau où ils sont difficiles à éliminer. Plus une pièce est critique, plus il est essentiel d'éviter les matériaux poreux ou rugueux. Non seulement les microbes y seront piégés, mais l'eau utilisée pour le nettoyage aussi, faisant de ces porosités des nids idéaux pour la croissance des agents pathogènes. Les connections et les joints entre les éléments doivent être minimisés ou scellés correctement pour les mêmes raisons.

Enfin, les angles vifs ou droits aux jonctions entre différents éléments doivent être évités. Les plinthes à gorge sont par exemple une solution courante pour éviter l'accumulation de saleté et de micro-organismes entre les murs et les sols.

Envisagez l'utilisation de matériaux autonettoyants.

Certains matériaux ont des propriétés autonettoyantes. C'est le cas par exemple de ceux qui contiennent de l'argent ou du cuivre (pensons aux alliages métalliques pour les poignées de porte, aux lits de cuivre ou aux tissus contenant des fils de cuivre) qui sont naturellement résistants aux microbes. Des chercheurs s'inspirent également des surfaces rugueuses et autonettoyantes de la feuille de lotus pour créer des finitions avec des poches d'air miniatures qui minimisent la zone de contact entre la surface et un liquide. Cependant la précaution est de mise avec les matériaux traités avec des produits chimiques antimicrobiens car ils peuvent être toxiques ou contribuer à la résistance de certaines bactéries.

c. Sélection des Équipement et meubles

Les mêmes principes doivent être appliqués lors de la sélection des meubles. Les bactéries seront également piégées dans les micro-cavités par exemple dans les coutures des tissus de fauteuils ou dans les espaces entre les coussins des canapés, ... Il est donc essentiel de choisir des meubles qui contiennent un minimum de recoins et qui peuvent être facilement nettoyés. Les coussins amovibles sur les canapés, une sous-couche crypton® appliquée aux tissus, des rideaux d'intimité lavables, des finitions vinyles,.... sont toutes des solutions à envisager.

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Les meubles sur roulettes, l'équipement encastré, les armoires jusqu'au plafond et les surfaces inclinées contribuent toutes à faciliter le nettoyage.

De plus, les meubles et les équipements ne devraient pas être un obstacle au processus d'assainissement. Ils devraient donc être facile à bouger ou avoir suffisamment d'espace libre autour et en dessous d'eux pour faciliter le nettoyage de la pièce. Les surfaces horizontales hors de portée de  main doivent être évitées car elles accumulent rapidement la poussière et les germes. Optez plutôt pour des surfaces inclinées, des éléments qui vont jusqu'au plafond ou sont encastrés.

Dans les pièces humides, les sources potentielles de contamination par les microbes d'origine hydrique doivent être minimisées. Les fuites des éviers ou des lavabos sont par exemple un problème assez courant. Par conséquent, éviter de placer des armoires fermées en dessous de celles-ci permet tout d'abord d'identifier rapidement le problème de fuite car l'eau s'écoulera sur le sol et, deuxièmement, d'empêcher l'accumulation d'humidité sur une surface horizontale rarement nettoyée.

 

Il a également été démontré que les robinets avec aérateurs, conçus pour réduire la consommation d'eau, présentent des niveaux significativement plus élevés de pathogènes infectieux dans l'eau (Infection Control and Hospital Epidemiology, journal de la Society for Healthcare Epidemiology of America, février 2014). Les robinets à flux laminaire, par contre, empêchent l'eau de se mélanger avec de l'air chargé de germes tout en réduisant le débit et la consommation d'eau.

 

Enfin, les appareils et équipement "contact-less" doivent être encouragés dans la mesure du possible. Pensez aux détecteurs de mouvement ou aux robinets coudés couramment utilisés pour les lavabos chirurgicaux, par exemple.

d. Qualité de l'air

Nous avons tous tiré la leçon de l'épidémie de peste du 14ème siècle, où l'on croyait que les malades devaient être enfermés dans l'obscurité:

La bonne ventilation d'une pièce est cruciale pour éviter l'accumulation de germes en suspension dans l'air.

Que signifie une bonne ventilation? L'objectif ici est de maintenir des niveaux confortables de température et d'humidité, de contrôler les odeurs, d'éliminer l'air contaminé et de faire circuler l'air dans le bâtiment de manière à minimiser les risques de transmission d'agents pathogènes infectieux aéroportés.

La température dans les établissements de santé doit être telle qu'elle assure un bon niveau de confort aux patients et au personnel. Ceci peut être réalisé en équipant les pièces de thermostats individuels ou en réglant la température par zone sur une plage de 21 à 24 °C (en fonction de la section distribuée par le système d'aération). Les pièces critiques telles que les blocs opératoires, les salles d'endoscopie et les salles blanches doivent être légèrement plus fraîches. Les températures y sont réglées entre 20 et 23 °C de manière à assurer au personnel physiquement actif un sentiment de confort. Dans cette plage, la température corporelle du patient est le plus susceptible de ne pas trop baisser car cela l'exposerait à un risque d'infection plus élevé.

Des niveaux élevés d'humidité relative (supérieurs à 60%) dans l'air peuvent favoriser la croissance fongique et doivent donc être évités. Ils sont en outre perçus comme inconfortables. La plage la plus confortable se situe entre 30 et 60% d'humidité relative aux températures ambiantes ci-dessus.

De plus, l'air doit être circulé avec précaution pour éviter la transmission des maladies aéroportées. Les prises d'air doivent ainsi être situées à une distance suffisante des sources potentielles de contamination. Il est recommandé de garder une distance minimale (d'environ 7,5 m) entre les entrées d'air et les bouches de soufflage pour éviter d'à nouveau aspirer l'air contaminé dans le système. Elles doivent également être placées suffisamment loin au-dessus du rez-de-chaussée et du niveau du toit.

Pour la même raison, certaines chambres des hôpitaux sont pressurisées afin d'isoler les patients immunodéprimés à haut risque d'infection ou les patients très contagieux. En d'autres termes, la différence de pression fera passer l'air des zones d'air à pression positive à celle à pression négative. Les chambres à pression négative sont conçues pour contenir les patients infectieux afin d'empêcher les micro-organismes en suspension dans l'air de pénétrer dans les espaces publics adjacents. Certaines de ces chambres sont isolées par une antichambre et sont destinées aux patients hautement infectieux. Les salles d'isolement à pression positive au contraire assurent la sécurité des patients immunodéprimés à haut risque pendant leur convalescence.

Enfin, le nettoyage de l'air à travers de filtres appropriés doit se faire à différents points du système de ventilation. Un minimum de 2 sets de filtres doit être installé lorsqu'une partie de l'air intérieur est recyclé. Le premier doit être installé à l'entrée d'air extérieur pour éliminer les particules polluantes de l'air. Le deuxième ensemble doit être placé là où l'air neuf est mélangé à l'air recyclé pour empêcher la recirculation des particules indésirables. Les filtres HEPA (filtres coûteux mais très efficaces) doivent être installés dans des zones de soins critiques comme précaution supplémentaire. C'est le cas pour les blocs opératoires critiques ou les salles d'isolement à pression positive mentionnées ci-dessus.

e. Conclusion et références

Nous avons abordé différents aspects de PCI relatifs à l'environnement physique d'une clinique ou d'un hôpital, tels que l'accès à des points de désinfection pour les mains, les finitions, les meubles et équipement, les robinets et la qualité de l'air. Ce ne sont que quelques stratégies qui doivent être prises en compte par les équipes de conception intégrées, mais il y en a bien d'autres: la qualité de l'eau, les flux de circulation, une conception appropriée du service centralisé de stérilisation, le marquage clair des zones stériles, la gestion des déchets, etc.. Si vous souhaitez en savoir plus sur ce sujet, je vous encourage à lire les sources d'information suivantes:

Sur la conception d'environnement du secteur de la santé:

 

Sur les recherces et conseils en matière de PCI:

Enfin, les accréditations des hôpitaux, telles que Joint Commission International et Accréditation Canada, prescrivent également l'utilisation de différentes directives pour une meilleure PCI.

2. Perception de la propreté

Si l'environnement physique a été conçu pour aider la PCI, les résultats seront reconnus et le personnel de santé sera vite informé et réconforté par les résultats positifs des mesures prises. L'OMS a estimé que "une prévention et un contrôle efficaces des infections réduisent les infections associées aux soins de santé d'au moins 30%".

Cependant, la perception de la propreté et le réel niveau de propreté d'un endroit ne sont pas toujours alignés.

Dans leur étude, An exploratory study into the factors that influence patients' perceptions of cleanliness in an acute NHS trust hospital, 2007, Whitehead, H., May, D., et Agahi, H. ont interrogé différents membres du personnel d'hôpitaux ainsi que des patients hospitalisés afin d'identifier comment les patients perçoivent la propreté d'un établissement au Royaume-Uni.


Les principaux facteurs d'influence se sont révélés être l'apparence de l'environnement, le comportement du personnel et le réel niveau de propreté. Comme l'apparence de l'environnement a été considérée comme le facteur principal, le personnel et les patients eux-mêmes ont suggéré qu'un bâtiment bien entretenu et soigné amenait ces derniers à croire qu'il était réellement propre. Les aspects positifs de l'environnement ont souvent été cités en utilisant les mots "épuré", "bien rangé" et "bien entretenu". Les "espaces lumineux et aérés" ont également eu un impact positif. Le personnel a en outre constaté que les patients étaient plus confiants du niveau de propreté des zones rénovées des hôpitaux. Probablement parce qu'avec leurs boiseries pâles et leurs couleurs modernes, celles-ci reflétaient les dernières tendances dans le secteur résidentiel. Les zones non rénovées étaient greffées d'une image de saleté malgré leur véritable niveau d'hygiène.

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Même si seule la perception des patients faisait l'objet de l'étude, il n'est pas déraisonnable de penser que le personnel, en tant qu'êtres humains, soit influencé par des facteurs similaires. Il y a un ensemble complexe de perceptions en jeu, entre ce que les gens considèrent comme important, ce qu'ils observent et ce à quoi ils s'attendent, tout comme leur formation (par exemple la connaissance de la PCI). Mais garder ces résultats à l'esprit lors du réaménagement ou de la conception d'établissements de santé

contribue au niveau de satisfaction des patients et au bien-être du personnel par la création d'environnements visiblement propres qui répondent à notre besoin de sécurité.

Sylvie Meunier

16 Avril, 2020

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